Mon désert de glace

 Mon désert de glace


1.

Je suis à la recherche de ma forêt,

de mes grands arbres et de la chaleur.

Dans mon sac il y a ces livres à cette image.

Mais mon monde à moi est un peu différent,

ici ni arbre ni forêt,

qu’un paysage blanc et froid à perte de vue.

 

Quelques pousses d’arbres surgissent parfois dans ma neige

que vite, je vois faner,

Mourir.

Et tout redevient froid.

 

2.

La tempête est là !

J’ai posé tous mes outils devant moi,

mon ciel s’assombrit et devient noir,

mes vents se lèvent.

 

Au moment où je m’assoie,

la tempête éclate :

mon crayon crisse au son des bourrasques,

des pensées noircissent mes nuages,

le fouet de mon grésil me fait mal au mon visage.

Immobile dans le chaos,

je fixe un petit papier.

 

Soudainement ma feuille s’envole

un rayon doré descend du ciel

me touche avec des doigts tièdes.

Deux pierres se cognent

je suis l’étincelle.

Au creux de ma paume je sens un peu de chaleur

j’ai peur de la perdre…

Des éclairs jaillissent dans mon désert

il est plus que temps de terminer.

 

Je m’applique mais j’oublie aussi

je commence à avoir froid.

Lorsque je me réfugie dans ma tente,

la chaleur a toute disparue,

j’ai tout gâché.

 

3.

Quelque part au loin,

à quelques pas de mon cœur,

il y a une cabane.

J’y entre et y trouve de la chaleur.

Un professeur me salue,

il m’élève à l’étage,

me montre le ciel avec son télescope,

nous sourions tous les deux.

 

Puis il voudrait discuter avec moi,

mais moi je n’ai rien à dire !

rien ne vient ;

en ce moment je n’arrive pas à réfléchir.

Rien ne sort ;

je n’ai plus d’encre dans la tête.

 

Il finit par me renvoyer de chez lui

avant de claquer la porte,

il dit, les sourcils froncés par la déception :

Si tu n’as rien à dire,

tu ne devrais pas être ici.

 

4.

De retour dans mon monde blanc, froid,

rempli de pousses d’arbres morts.

La tristesse dégouline de mes yeux alors que je m’endors le visage collé contre la neige.

 

En rêve je vois deux feuilles devant moi :

l’une est intacte,

l’autre chiffonnée,

les deux sont blanches ;

laquelle sera mienne ?

 

J’ouvre les yeux

je m’imagine saisir l’une,

la chiffonnée,

et je la broie plus encore !

Je m’essuie les yeux :

une feuille intacte n’a aucune valeur,

au moins la chiffonnée sera tachée de mes pleurs.

 

Je fixe une page de glace.

À l’école et aux amis je ferme les yeux,

le vent se lève, la tempête revient,

Je ne deviens plus qu’un crayon.

 

Les boules de neige s’entassent autour de moi,

mais je manque d’encre

la neige reste la neige

pareille :

blanche.

 

 

5.

La distance entre qui je suis et qui je dois devenir est une seule page,

mais elle est si loin de mon crayon,

mes pages à moi sont infectés du manque de chaleur!

 

Et à la recherche de ma forêt,

j’ai découvert

que je suis dans un désert de glace.

Performé le 27 février 2024 à Maisonneuve

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