Le secret du mont
Les meilleurs aventures sont un peu incompréhensibles, en partie dûes à un hasard
Midi sonne et je me suis encore enfui de l’école. J’ai regardé à droite et à gauche avant de sauter la clôture qui me séparait du monde libre.
Je marchais dans une rue remplie de voitures qui faisaient
beaucoup de bruit. J’ai pensé que c’était une belle journée parce que le ciel
était vide de nuages.
Il y avait une mini forêt devant moi — celle de la montagne.
Comme d’habitude, je marchais sur le sentier principal jusqu’au petit puits,
puis j’ai tourné à droite pour monter à flanc de montagne. J’entendais les
feuilles mortes craquer dès que je posais le pied dessus.
La première pente était raide et j’ai dû la monter à quatre
pattes. Une fois en haut, j’ai pris une pause. Je voyais tout le sentier devant
moi. J’ai réfléchi un instant où je voulais aller et pour une fois, j’ai décidé
d’aller dans une nouvelle direction. Ce choix minuscule allait transformer ma
marche en grande aventure…
« Je dois être revenu dans 30 minutes, » ai-je pensé
même si je me doutais que j’allais être en retard.
Un peu plus tard, vu que j’étais perdu dans ma tête, j’ai
trébuché sur une souche d’arbre. Les sourcils froncés, j’ai baissé les yeux
vers le sol et je me suis rendu compte qu’il y avait — droit devant moi — un
panneau avec une carte. Un panneau avec une vieille carte sur laquelle il y
avait un cercle bleu, un triangle et un carré noir.
« Le bleu c’est le lac, le triangle le sommet, mais le
carré, je ne sais pas c’est quoi. »
En vrai aventurier, je suis allé vers le carré sans me poser
de questions. J’allais sûrement manquer mon cours si je continuais, mais je
suis parti quand même.
Cinq minutes plus tard, j’ai vu apparaître un bâtiment dans
la forêt. C’était une maison à une pièce construite en pierre. Elle avait l’air
vieille, comme la carte. Tout était tranquille, alors j’ai fait quelques pas
vers le bâtiment.
Soudainement, il y a eu un bruit derrière la maison. Mon
souffle s’est accéléré et un frisson a traversé ma colonne vertébrale. Le bruit
se rapprochait. Le vent s’est levé et a soufflé la chandelle de mon courage. Je
me suis enfui en courant.
J’étais en sueur quand je suis revenu à l’école. De retour
dans le corridor, je me sentais ridicule de m’être enfui… à cause d’un bruit.
J’étais dans la même classe que mon meilleur ami et je lui
ai raconté ce qui s’est passé (sauf que je lui ai dit que j’étais parti « pour
revenir plus tard »). Il m’a regardé avec un sourire et a dit :
-
On y va après le cours ?
-
T’es fou, j’y vais pas le
soir.
-
On y va demain pendant la pause
alors ?
J’ai accepté et on s’est serré la main.
Le lendemain, on est sorti au même endroit, marché sur la
même piste et tourné au même endroit.
Sauf que cet après-midi, on ne l’a pas trouvé. Les trois
journées suivantes, on est retourné pour chercher. Pareil. Rien trouvé.
Ensuite les examens sont arrivés et j’étais concentré sur
autre chose. J’avais oublié la cabane… jusqu’à ce que je lise une légende
incroyable. En français, on lisait sur les monuments de Montréal. C’était
ennuyant, mais un chapitre sur la montagne a attiré mon attention.
On disait que les premiers colonisateurs avaient essayé de
s’installer sur la montagne, mais que chaque fois ils mourraient de froid
pendant l’hiver. La légende racontait que, loins des sentiers et profondément
enfoui dans la forêt, se trouvait la cabane du seul colon qui avait survécu à
l’hiver.
Lui et la montagne s’entendaient bien ; ils se parlaient
grâce aux sons du vent. Lorsque l’homme est mort de vieillesse, la montagne est
entrée en transe. Elle a fait lever ses vents pour détruire chaque maison de sa
surface — sauf celle de l’homme, qu’elle cacha du reste du monde.
La dernière phrase du chapitre disait ceci : « Or, la
montagne montre parfois le chemin à un aventurier chanceux qui, selon Elle,
mérite de voir la maison… Ces rares élus seront toujours les bienvenus pour la
Montagne. »
À la pause, j’ai montré le texte à mon ami. En riant, il m’a
demandé :
-
Comment tu vas honorer ta bénédiction, monsieur
l’élu ?
- Mon ami, je dois aller vivre sur la montagne maintenant ! Tu vas me rendre visite ?
Je n'étais pas si sarcastique que ça, souvent je suis retourné à la montagne, c'est un des endroits où je me sens bien. Or plus jamais je n'ai revu la petite maison, et ce dans toutes mes promenades.
Ce que je sais, c’est qu’elle est quelque part, qu'elle attend un autre aventurier et qu'il suffit de vous y rendre pour voir si c'est vous, cet aventurier